SAGHRU, la voix rebelle
« De nos ancêtres, nous avons hérité d’un petit flambeau et nous essayons de maintenir en vie cette flamme »
Saghru, Imal, Imenza et Afra. Ces noms ne vous laissent peut-être pas indifférent. C'est normal ! Ces groupes « nouveaux-nés » représentent cette nouvelle génération d’artistes, nés et ayant grandi au sein du combat que mène le Mouvement Amazigh, au Maroc. Après l’expérience réussie de l' artiste complet qu'est Moha Mallal, ces jeunes artistes, pleins d'ambition et de dynamisme, sont conscients de l' importance de l'Art et de son influence sur les foules. Et en premier lieu, la chanson qui constitue un moyen efficace de sensibilisation et d'engagement. Ces groupes sillonnent toute la région du Sud-est pour animer les soirées qu'organisent les associations amazighes. Au prix de sacrifices non négligeables de la part de leurs membres. Toujours au rendez-vous, le public en demande toujours plus !
Dans le but de promouvoir l’art amazigh, l'association AZAL a eu l'honneur de s'entretenir avec l’une des voix rebelles du Sud-est marocain : Mbarek Oularbi, chanteur et guitariste du groupe Saghru.
Pouvez-vous vous présenter brièvement ?
Parler sur soi-même n'est jamais une chose aisée ! Je suis amazigh. Je suis un jeune artiste originaire du Sud-est du Maroc.
D'où l'idée de créer le groupe Saghru vous est-elle venue ?
Depuis mon jeune âge, mon rêve était de jouer en groupe et de partager mes émotions avec d'autres artistes. Aujourd'hui, j'essaie progressivement de concrétiser mes souhaits. Rien ne pourra me faire taire. Rien ne pourra m'empêcher de faire ce que j'aime. Etant conscient de mon identité amazighe, créer un groupe contestataire, engagé dans le combat amazigh, ne pouvait qu'être logique. Comme vous pouvez le noter, Saghru, par son engagement, représente une valeur ajoutée à la longue liste des artistes du Sud-est marginalisés par le pouvoir.
Quelles sont les raisons qui expliquent le choix du nom « Saghru » et quelles en sont les charges symboliques ?
Concernant le choix du nom, je crois que « Saghru » n'est pas seulement symbolique mais également philosophique et historique. « Saghru », ces montagnes qui ont été le terrain de l’épopée de la bataille de Bougafer, symbole de résistance et de sacrifices des imazighen. C’est pour rendre hommage à ces résistants et à leurs âmes et inciter les vivants à suivre leur chemin qu’on a choisi ce nom pour notre groupe".
Je pense que chaque individu a un rôle sur Terre. Je crois en la destinée. Si défendre la cause amazighe par le biais de nos poèmes fait partie de mon destin, alors j'accepte cette « mission » avec plaisir.
Selon les titres des chansons de votre album, on note que vous êtes très direct dans vos chansons. Est-ce qu'on peut parler de la naissance d'un groupe contestataire?
Excepté des raisons personnelles sur lesquelles je ne souhaite pas m'étaler, il faut savoir que c'est ma façon d'être et d'agir. Je ressens le besoin de remuer et faire bouger les choses. Je le fais dans mes chansons et lorsque cela correspond a une certaine réalité c'est encore mieux. Concernant l'autre partie de la question, je répète que chacun a sa façon de se battre, d'exprimer ses idées, de lutter pour une cause. En ce qui me concerne, mon terrain est la chanson. De nos ancêtres, nous avons hérité d’un petit flambeau et nous essayons de maintenir en vie cette flamme.
Dans vos chansons, vous dénoncez la marginalisation dont souffre la région du Sud-est (au même titre que toutes les régions amazighes). Prise de risques ?
Oui, en effet, mes chansons traitent des choses fortes qu'on ne peut que difficilement exprimer, au Maroc. Il faut que tu sache que le premier rôle de la musique soit de développer l'esprit et le cœur et d'étaler au grand jour les possibilités d'obtenir des idées plus fines ou plus abouties sur tous les sujets.
Le deuxième est de cicatriser, d'adoucir et d'inciter l'espoir.
Le troisième est de briser les idées cristallisées pour éveiller la rébellion et pousser à se battre pour changer les choses.
Si la politique est présente dans chacun de nos choix personnels et crée, avec réussite, une philosophie nous permettant de vivre tous ensemble, alors nous n'avons pas besoin de faire plus que de jouer notre musique. Mais quand la politique devient une escroquerie permettant de dissimuler les manipulations d'argent faites par des groupes avides et s'auto privilégiant, alors il est de notre devoir de réagir politiquement à travers toutes les formes d'art. Dans mes chansons je réclame notre identité, je chante la paix l’amour, j’ai tenté d’éclaircir la situation importun et pis de l’homme amazigh et j’ai tenté de présenter une modeste image du militant infatigable qu'est Oughighouch. J’ai essayé d’exprimer sa souffrance comme celle des tous les Amazighs digne de l'être.
Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées pour réaliser ce premier album?
Chez nous, seuls les chanceux peuvent atteindre leurs buts. Heureusement que j'ai un long souffle et que je suis déterminé. Rien ne pourra me faire taire. C’est le caractère de tous les miens. Concernant les difficultés, elles sont multiples. Vous n'êtes pas sans savoir que les artistes du Sud-est ne disposent d'aucun soutien politique. Le temps, les déplacements, le matériel et enfin le financement sont nos principales difficultés. Je profite de cette occasion pour remercier tous ceux qui ont contribué de près ou de loin à la réalisation de notre premier album. En espérant que d'autres albums seront en route.
Votre dernier mot ?
Pas grande chose. Mais puisqu’on ne donne pas souvent la parole aux jeunes dans ce pays, j'en profite pour dire, simplement, comme l'avait affirmé Oulahlou, que je ne suis le porte-parole de personne. Seulement un artiste qui exprime sa révolte, sa quête de justice, d'amour et de liberté.
Tanmmirt chigan. Je remercie tous les membres de l'association Azal. Merci pour vos encouragements et continuez à encourager les artistes amazighes !
Azal